La proposition de loi levant l’interdiction d’une recherche scientifique sur l’embryon a été débattue la nuit dernière à l’Assemblée Nationale. Mais le temps a manqué pour ce qui pourrait s’apparenter à un débat de civilisation : celui du respect de notre espèce et de sa protection.
Les femmes et les enfants d’abord ! Et pourquoi les femmes ? Parce qu’en elles, potentiellement, la vie est. A travers ce lot de quelques 2 millions d’ovocytes dont elles se trouvent détentrices à leur naissance. A travers cet organe, que l’on appelle utérus, et qui mois après mois prépare la dentelle admirable où s’enfouir pour… vivre! Et, dans ce cas, pourquoi les enfants ? Pourquoi si ce n’est par souci de protéger les plus faibles de nos sociétés ? La faiblesse du genre humain est illustrée au travers de l’enfant. Leur protection ne garantit donc que le sens même de nos existences et de notre propre vulnérabilité. Alors oui, les femmes et les enfants d’abord!
Quant aux embryons, c’est au nom de cette double protection : celle d’un potentiel de vie et celle d’une extrême vulnérabilité, que notre société devrait les protéger. Quel sens donner à nos propres combats, à notre propre existence s’il nous manque l’exigence de protéger la faiblesse extrême de notre propre genre, d’un état que nous avons nous-mêmes traversé? L’honneur, la dignité, la mémoire mais surtout le refus. Le Cri de ne pas commettre l’irréparable.
Fière de ma formation de Scientifique et de mon métier de Chercheur, je veux croire que l’appel à nos consciences soit intimement lié à cette activité. « Science-en-conscience.fr » a réuni plusieurs centaines de signataires du monde scientifique et médical français pour qui l’éthique de nos recherches ne va pas à l’encontre du progrès. Telle Nicole Le Douarin, le scientifique doit savoir poser les bases de l’embryogénèse humaine en observant des embryons de poulet. Tel Shinya Yamanaka, le scientifique doit trouver comment dépasser l’interdit éthique et découvrir des possibilités insoupçonnées de produire des cellules pluripotentes chez l’adulte ! Et ainsi recevoir le prix Nobel 2012. Loin d’être un frein, l’interdiction s’est, dans ce cas, muée en une véritable incitation à une créativité hors du commun, laissant la porte grande ouverte aux progrès scientifiques ainsi qu’à des essais cliniques en cours.
La proposition de loi levant l’interdiction d’une recherche scientifique sur l’embryon humain ne répond donc pas à un impératif scientifique, mais à une logique financière, permettant en particulier « d’utiliser » l’embryon humain comme outil de crible à médicaments. Cette levée d’interdiction sans autre garantie qu’une « finalité médicale » ouvre de facto sur les activités de clonage à partir d’embryons. Et pourtant, l’embryon humain fait partie de l’espèce humaine, au sein de laquelle il correspond à une étape définie du développement de l’homme. Une étape remarquablement vulnérable. Alors, le principe de précaution : les femmes, les enfants mais aussi les embryons aurait-il lieu de s’appliquer?
Députés et sénateurs, croyez-vous réellement que cette question ne relève que d’une ligne politique de parti ? Historiens et philosophes, où êtes-vous dans ce débat éthique que l’on tente d’étouffer? Défenseurs des animaux refusant toute vivisection et usage de cobayes, n’avez-vous donc pas d’avis quand il s’agit de l’homme ?
Dr Alexandra Henrion Caude - Chercheur à l’Inserm - Prix de l’Eisenhower Fellowship 2013 (actuellement aux Etats-Unis) –Fondateur, avec le Pr Alain Privat, du site internet www.science-en-conscience.fr